Dans ce troisième volume de La Recherche, le narrateur déménage, retrouve Albertine, perd sa grand-mère, fréquente assidûment son ami Saint-Loup, et entend les avis de chacun sur l’Affaire Dreyfus. Mais l’action se déroule principalement dans les salons de la duchesse de Guermantes, où le narrateur observe la vie de cour, les discussions et les critiques des invités sur la haute société et la société moins privilégiée. La verve est de rigueur, avec une pointe de perfidie bien ajustée. Comme pour les autres romans, il ne se passe pas grand-chose, mais les conversations chez la duchesse sont acerbes et souvent très drôles. J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce volume, même si les Anglais n’y sont guère aimés.
“Je dirai à Votre Altesse que c’est Swann qui m’a toujours beaucoup parlé de botanique. Quelquefois, quand cela nous embêtait trop d’aller à un thé ou à une matinée, nous partions pour la campagne et il me montrait des mariages extraordinaires de fleurs, ce qui est beaucoup plus amusant que les mariages de gens, sans lunch et sans sacristie. On n’avait jamais le temps d’aller bien loin. Maintenant qu’il y a l’automobile, ce serait charmant. Malheureusement dans l’intervalle il a fait lui-même un mariage encore beaucoup plus étonnant et qui rend tout difficile. Ah ! madame, la vie est une chose affreuse, on passe son temps à faire des choses qui vous ennuient, et quand, par hasard, on connaît quelqu’un avec qui on pourrait aller en voir d’intéressantes, il faut qu’il fasse le mariage de Swann. Placée entre le renoncement aux promenades botaniques et l’obligation de fréquenter une personne déshonorante, j’ai choisi la première de ces deux calamités. D’ailleurs, au fond, il n’y aurait pas besoin d’aller si loin. Il paraît que, rien que dans mon petit bout de jardin, il se passe en plein jour plus de choses inconvenantes que la nuit… dans le bois de Boulogne ! Seulement cela ne se remarque pas parce qu’entre fleurs cela se fait très simplement, on voit une petite pluie orangée, ou bien une mouche très poussiéreuse qui vient essuyer ses pieds ou prendre une douche avant d’entrer dans une fleur. Et tout est consommé !”