Peggy Guggenheim développe un intérêt pour les œuvres créées par des artistes d’Afrique, d’Océanie et des Amériques indigènes dans les années 1950 et 1960. Cette exposition présente 35 œuvres, tantôt regroupées pour privilégier leur contexte d’origine, tantôt en parallèle à des œuvres d’artistes modernes. Ces objets sont magnifiques. J’ai particulièrement aimé une coiffe “Ago Egungun” qui vient du Nigeria. La base est une grande tête de femme, avec dessus un homme assis et des petits personnages, peut-être des enfants, assis tout autour de cet homme. Il semblerait que ces coiffes servaient lors de danses qui honorent les valeurs sociales de la maternité. Je crois qu’on peut y voir surtout une illustration de ce qu’est la charge mentale. Très belle collection.

“Guggenheim a perpétué une mythologie “primitiviste” en combinant librement les cultures dans sa maison. Elle déplaçait l’Ago Egungun d’une pièce à l’autre, mais le fait qu’elle le plaçait fréquemment devant The Regular (1920) de Louis Marcoussis soulignait des caractéristiques visuelles communes : la superposition coïncidente des couleurs, ou la présentation majestueuse d’une figure assise dans un cadre d’éléments abstraits très codés. L’appariement impliquait que Marcoussis s’appuyait en quelque sorte sur le langage “ancien” de l’Afrique, mais il est tout à fait possible que cet objet yoruba ait été réalisé après la peinture. Les affinités suggérées par Guggenheim étaient très éloignées des fonctions initiales de la coiffe et renforçaient au contraire la théorie eurocentrique selon laquelle le cubisme parisien de l’entre-deux-guerres était un langage universel sans frontières.”

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