Ce roman raconte en parallèle l’histoire de deux procès, celui de Klaus Barbie et celui du père de Sorj Chalandon. Il n’y a pas besoin de présenter Klaus Barbie, surnommé le “Boucher de Lyon”, qui a été jugé et condamné à perpétuité pour crime contre l’humanité à Lyon en 1987. Le père de Sorj Chalandon, nous en avons fait la connaissance dans “Profession du père”, un homme décrit comme violent et mythomane. Depuis que le grand-père de Sorj Chalandon lui a dit qu’il était un “enfant de salaud”, il aimerait savoir. Qu’a donc fait son père durant l’occupation. Il lui a raconté tant de choses, qu’il était dans la division Charlemagne, qu’il a combattu en Pologne, que les marques qu’il a dans le dos sont des blessures de guerre. Mais, voilà, le fils a en main le dossier judiciaire de son père… qui raconte une toute autre vérité. C’est l’histoire désespérée d’un fils qui voudrait juste connaître cette vérité pour pouvoir la pardonner. C’est une histoire très élégamment écrite et très touchante. Cette quête d’un enfant qui, à passé 30 ans, cherche encore l’approbation de son père.

“Je l’ai vu comme une bille argentée, frappée par les raquettes d’un billard électrique et se cognant partout. Un papillon désorienté, ivre d’effroi et de lumière, se précipitant contre une vitre grillagée. À mon tour j’ai eu peur, mais je n’y pouvais plus rien. Il était trop tard pour revenir toutes ces années après. J’avais réveillé un somnambule. Dit à un enfant prêt à s’envoler que les fées n’existaient pas. J’avais assassiné la licorne. Tué le Père Noël. Je me suis rendu compte que, depuis toujours, il avait survécu parce que personne ne s’était opposé à ses rêves. Que jamais il n’avait été mis en danger, par un homme, une femme, un n’importe qui brandissant sous ses yeux les preuves de ses impostures. Ces illusions le tenaient debout. Elles étaient son socle, son ossature, sa puissance. À force de temps passé, d’histoires fabriquées répétées en boucle, d’images brodées une à une jusqu’à ce qu’elles deviennent réalité, mon père ne se mentait peut-être même plus. Enfant, puis jeune homme, puis homme, puis père, il s’était forgé une cuirasse fantasque pour se protéger de tous. Une carapace de faux souvenirs vrais.”

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