Victor se réveille un matin et apprend que sa femme l’a quitté et qu’il a été licencié. Complètement égocentrique, il tente de se plaindre auprès de tous ses amis, qui ne l’écoutent pas, ou auprès de sa mère, qui s’en moque. Lors de ses tribulations, il va rencontrer Michou, un généreux marginal, qui ne le quitte plus et lui montre, bien malgré lui, la valeur de relations humaines. Cette pièce s’inspire presque mot pour mot des dialogues du film éponyme de Coline Serreau, avec des répliques extraordinaires qui disent des choses que l’on aimerait souvent pouvoir dire. Les décors de cette pièce sont des dessins projetés, simples et magnifiques, qui donnent juste assez d’informations pour savoir où se déroule la scène. Les acteurs, avec Brigitte Rosset que j’adore, sont excellents. Une très belle pièce.

“- Alors écoute Victor, tu arrêtes. Tu arrêtes tout de suite. Tu te tais et tu m’écoutes. D’accord ? Alors écoute bien : tes problèmes de boulot, tes problèmes avec ta femme, tes problèmes de fric, tes problèmes en général et en particulier, moi ta mère, je m’en fous comme de l’an quarante, tu m’entends ? Je m’en fous, mais alors je m’en fous, je peux pas te dire à quel point je m’en fous. Je n’en ai vraiment rien, rien, rien à foutre.
– Mais merde c’est pas croyable : ma propre mère se fout de mes problèmes ?
– Je vais te dire encore mieux : non seulement je me fous de tes problèmes, mais je me fous également des problèmes de ta soeur, je m’en fous totalement… Attends, y’a encore plus rigolo : je me fous royalement des problèmes de ton père.
– Mais je rêve ! Ma parole je… je rêve !
– Non, non mon lapin, tu ne rêves pas. Pendant trente ans je vous ai torchés, nourris, couchés, levés, consolés, tous les trois. J’ai repassé vos chemises, lavé vos slips, surveillé vos études. Je me suis fait des monceaux de bile, je n’ai vécu que pour vous, qu’à travers vous. J’ai écouté toutes vos histoires, vos problèmes et vos chagrins, sans jamais vous emmerder avec les miens. Alors maintenant, je prends ma retraite. Toi, il te reste une longue vie devant toi pour résoudre ta crise; moi il me reste très peu de temps pour résoudre la mienne. Alors tu permettras que pour une fois je m’occupe de mes affaires avant les tiennes.”