Laure est hospitalisée à trente-six kilos… pour un mètre septante-cinq… “son plus beau rapport poids/taille”. Sans soin, c’est la mort garantie. Alors, elle accepte, de manger, de brancher la sonde, de ne pas trop bouger. Mais c’est dur. Comment revenir de là-bas, de cette sensation de contrôle de son corps qu’on peut modeler, de cette sensation de toute-puissance sur sa volonté, de ce désir de devenir transparent ? Accepter de prendre des kilos, de voir le gras qui s’accumule et les jeans qui serrent. Cette fiction autobiographique est un très beau texte autour de l’anorexie, très juste, très touchant.

“Chaque matin, Laure se bat encore contre la tentation du ventre vide, du ventre mort. Chaque matin, entre le thermomètre qu’on apporte à 7 heures et le petit déjeuner qui se fait attendre, elle savoure ce petit vide qui lui rappelle l’ivresse du jeûne. Chaque matin devant le thé au lait et les tartines, elle doit renoncer à ce petit gouffre qui l’appelle. Renoncer, chaque jour. Au corps essentiel, réduit à son essence même, évanescent. Elle rêve de ça, monter et descendre des escaliers, marcher, marcher encore, au détour d’une rue, s’envoler peut-être, vivre sans manger, se consumer de l’intérieur, boire des litres de café et de vinaigre pour tout brûler. Tout anesthésier. Il faut renoncer, oublier. Se noyer dans les suppléments du matin.”