Dans le cadre de la fermeture du Centre Pompidou, dix écrivains parlent de dix œuvres appartenant au musée. Joy Majdalani s’intéresse ici à la photo en noir et blanc de Jimmy Freeman, prise par Mapplethorpe, une image impressionnante et magnifique. Elle raconte l’histoire de la vie de Mapplethorpe, analyse son œuvre et s’interroge sur la mise en avant des corps, et surtout des corps noirs. Majdalani évoque également son attirance pour le corps masculin, souvent pas assez mis en avant comme un outil de séduction à part entière. Un petit texte pour une analyse très belle de l’œuvre de Mapplethorpe.

“La forme sert de grand égalisateur. On a traité d’obscène la photographie de Mapplethorpe parce qu’elle montre, sans égards, les organes et les pratiques que l’on cache. Elle l’est surtout parce qu’elle rend caduque la frontière entre le licite et l’illicite. Il n’y a aucune différence de nature entre une bite bandante ou une tige de fleur, entre la courbe d’un vase ou celle de fesses nues. La peau du pénis n’est pas particulière. On s’imagine que cela constitue une menace à la bienséance – je pense qu’il s’agit d’une menace à la pornographie. Cette dernière doit, pour fonctionner, se réclamer de l’illicite, nous persuader qu’il se joue sous nos yeux quelque chose de brûlant. Elle a recours à des effets de pacotille, stimule notre impatience pour nous maintenir hameçonnés. Elle a besoin de ces trucs pour compenser la banalité anatomique de l’appareil génital humain. L’illusion de la pornographie est que le sexe se joue dans un domaine particulier de l’existence, dangereux et interdit. La pornographie est une propagande. La photographie de Mapplethorpe, elle, brise l’illusion : un pénis est comme un pistil.”

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