Incipit, en latin : ça commence. La première phrase de 18 romans analysés mot pour mot. La plus célèbre est évidemment le début de “Du côte de chez Swann”, le premier volume de “A la recherche du temps perdu” de Proust… “Longtemps, je me suis couché de bonne heure”. Mais, l’analyse de tous ces autres incipits est merveilleuse. Une vraie prouesse de prendre chaque mot et d’en dénicher le sens. On pourrait affirmer que l’analyse va trop loin, frise l’absurde, pourtant, c’est tellement poétique et léger. C’est un livre qu’il faudrait lire avec un dictionnaire de linguistique : prosodie, ostranénie, trochée, anapeste, anacoluthe, synérèse, mais en se laissant glisser sur ces mots, le texte reste magique. Très belle lecture.

Le verbe “se coucher” est plus intéressant, car les scènes de couchages et de coucheries occupent une bonne partie de ce roman. Elles s’opposent évidemment : Marcel se couche et rêvasse dans l’attente du baiser de la mère ou d’Albertine, et seul – contre une cloison. La coucherie, au contraire, est liée aux autres, toujours : Swann et Odette, Charlus et Morel, Albertine et les jeunes filles, Mademoiselle de Vinteuil et son amie… Tous connaissent l’autre versant du terme. Mais on n’est jamais trop prudent : lorsque Marcel conjugue cet étrange verbe avec lui-même, Proust en réduit par trois fois la polysémie. Par la tournure pronominale ; par “Longtemps”, qui crée l’habitude et contredit l’idée d’une surprise érotique ; et surtout par “de bonne heure”, qui entraîne la signification du verbe vers l’enfance et le repos. Visiblement, on ne peut pas encore tout raconter, lorsqu’on dit : Je.”

Contenu
Andromaque (Racine) – Don Juan (Molière) – Les confessions (Rousseau) – La servante au grand cœur (Baudelaire) – Bouvard et Pécuchet (Flaubert) – Germinal (Zola) – Les vrais riches (Coppée) – Salut (Mallarmé) – Chantre (Apollinaire) – A la recherche du temps perdu (Proust) – Nêne (Pérochon) – Les faux-monnayeurs (Gide) – L’étranger (Camus) – Zazie dans le métro (Queneau) – La halte de Collioure (Aragon) – Le ravissement de Lol V. Stein (Duras) – Vita Nova (Barthes) – Louis-René des Forêts (Puech)