Dans un domaine où la langue de bois est souvent de mise, ce petit podcast nous révèle quelques mots créés pour la politique. Comment qualifier les autres : “champagne socialist” pour la gauche caviar, ou “chardonnay socialist” ou “rødvinssozialist”, soit socialiste vin rouge, dans d’autres langues. En indien, on utilise raïta, cette salade concombre-yogourt, pour se moquer des gens mous en politique. Le “dog whistling” ou comment faire passer un message que seuls les initiés comprennent, utilisé fréquemment par les ultranationalistes. Ou, en chinois, comment utiliser le terme 和谐 – héxié – harmoniser pour en fait dire censurer. Finalement, on ne dit plus guerre mais “opérations militaires spéciales” et “frappes préventives” voir juste “événements”. Le meilleur étant quand même “alternative facts”. Très instructif et amusant.

Il est tentant de croire que la réalité, c’est comme le bon sens, la chose la mieux partagée au monde, comme disait Descartes. Sauf qu’en fait… non. Depuis plusieurs années, la réalité, les faits et la notion même de vérité semblent de plus en plus fragiles, contestés ou purement niés. Alors, on ne va pas se lancer dans une analyse approfondie de l’ère de la post-vérité, mais juste revenir sur une idée, un terme dont l’itinéraire ces dernières décennies nous semble intéressant. Aujourd’hui, on vous parle de “pensée alternative”. Petite précision sémantique. En français, une alternative au sens strict, c’est un choix entre deux propositions. Ici, on va plutôt en parler comme un synonyme de “autre”, au sens de “autre solution, autre possibilité”. Je me souviens de la première fois où j’ai entendu l’expression “alternative facts”. C’était en janvier 2017, juste après la cérémonie d’investiture de Donald Trump. Le porte-parole de la Maison blanche venait d’affirmer que jamais dans l’histoire des États-Unis, on avait vu une telle foule pour l’investiture d’un nouveau président. Alors qu’une multitude de photos et preuves montraient clairement que c’était faux. La conseillère du président, Kelly Ann Conway, a voulu voler à son secours en disant qu’il s’agissait de “faits alternatifs” : “Sean Spicer gave alternative facts”. Et là, j’ai buggé un moment en cherchant à comprendre ce que ça voulait dire. Orwell a dû se retourner dans sa tombe de ne pas l’avoir trouvée cette formule. Alors par acquit de conscience, je suis allée vérifier la définition du mot fait. D’après le Robert, un fait, c’est ce qui est arrivé, ce qui a eu lieu par opposition à l’idée, le rêve, l’imagination. En toute logique donc, un fait alternatif, c’est quelque chose qui n’a pas eu lieu. C’est-à-dire que c’est de la fiction. “This was the largest audience to ever witness an inauguration. Period.”

Quatre épisodes d’environ 6 minutes chacun

Épisode 1. Langue et politique : des “Bisounours” aux “champagne socialists” : désigner l’adversaire
Épisode 2. Langue et politique : du “dog whistling” au “kompromat”, tous les coups sont permis !
Épisode 3. “Opérations militaires spéciales”, “35 mai” : la censure, et comment la contourner
Épisode 4. “Alternative facts” et “conspiritualité”, aux frontières de l’irréel

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