L’aristocratie, le “pouvoir des meilleurs”. Laure Murat est née dans une famille de ce milieu, une famille issue des grands de France, plus très riches, mais qui font comme s’ils l’étaient. À vrai dire, ils font comme si pour tout. Rien n’est dit, rien n’est montré. Sa famille, surtout sa mère, la rejette quand elle dit qu’elle est homosexuelle. De l’autre côté de l’océan, elle raconte sa rencontre avec Proust, qui déconstruit dans sa Recherche, au fil de 3000 pages (selon les versions), cette aristocratie qu’il ne regarde ni d’en haut ni de loin, mais avec un œil bien à lui. Dans cet essai, Laure Murat entremêle et analyse sa vie et la vie présentée dans les romans de Proust, telle qu’elle l’a vécue enfant, sans savoir qui existe vraiment et qui est un personnage de la Recherche. C’est un essai magnifique, sans apitoiement et qui éclaire avec finesse l’œuvre de Proust… que je sens que je vais bientôt lire. Magnifique.

“Proust se doutait-il seulement qu’en échafaudant son roman il inventait un secours plus puissant que la tendresse d’une mère absente ? Que son œuvre, en proposant un exercice continu de dessillement, y compris en soi-même, livrerait une grille de compréhension et de déchiffrement du monde à la fois souveraine et dynamique, subtile et pénétrante, pour des millions de gens dans le monde? Que tout un chacun sortirait étonnamment augmenté de cette lecture, tant il est vrai qu’une “erreur dissipée nous donne un sens de plus” ? Proust n’endort pas nos douleurs dans les volutes de sa prose, il excite sans cesse notre désir de savoir, cette libido sciendi qui, en séparant l’enfant de sa mère, nous affranchit plus sûrement du malheur que tous les mots de la compassion.”

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