Jean est médecin généraliste qui voit passer de tout dans son cabinet. Parfois, il aimerait en pleurer, mais il n’y arrive plus. Les larmes sont bloquées à l’intérieur depuis la mort de deux enfants, lui tout jeune et un autre, d’une crise d’épilepsie. Alors, il nous parle des patients qui emplissent sa salle d’attente à longueur de journée, des couples de personnes âgées qui se meurent l’un sans l’autre, des femmes martyrisées par leur mari, des maris manipulateurs, des enfants comme vecteurs des problèmes de leurs parents. Les larmes arriveront tout à la fin, quand il trouvera enfin un moment pour s’écouter. Je viens de croiser la route de Baptiste Beaulieu dans le livre de Mona Chollet. Médecin et écrivain, homosexuel assumé, ce qui d’ailleurs donne de très jolis passages, il se positionne contre le sexisme, l’homophobie et le racisme, thèmes fortement présents dans ce roman. Le texte n’épargne toutefois pas l’injonction permanente à la résilience et, je cite, “ces conneries de féminin sacré”. C’est un roman magnifique, j’ai ri, j’ai pleuré… Chez moi, les larmes ne sont pas restées coincées.

“Vous vous souvenez de la maxime de Nietzsche: “Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort.” Oui, peut-être. Tant mieux. Pour certains, ça doit marcher. Mais pour les personnes que ça a rendu plus fragiles ? Plus sensibles ? Plus chancelantes ? Parfois, ce qui a été fait ne peut être défait, c’est comme ça. Ce qui ne nous tue pas nous brise en mille morceaux. Alors oui, c’est joli, la mosaïque, mais c’est long à assembler.”

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